L’équité est la condition d’une croissance durable
Fanny Letier a cofondé Geneo Capital Entrepreneur, une société d’investissement et d’accompagnement pour les PME et ETI. Elle défend l’idée d’un juste partage des richesses.
Pour construire le monde de demain, pour offrir un avenir aux générations futures, la France a assurément besoin de croissance. Mais elle a besoin d’une croissance « long terme », créatrice d’emplois durables.
Cet esprit long terme est la marque des dirigeants bâtisseurs. Mus par un rêve, l’envie de répondre à des besoins sociétaux, ils veulent fonder des groupes leaders, innovants, internationaux et n’hésitent pas à se projeter à travers plusieurs générations.
Mais on ne réussit pas seul. Les grandes aventures entrepreneuriales sont des aventures collectives. Une entreprise s’inscrit dans une filière, un territoire, un jeu d’interdépendances avec ses fournisseurs, ses clients, ses prescripteurs, ses distributeurs, les pouvoirs publics…. Une entreprise est aussi un ensemble d’hommes et de femmes qui constitue son capital humain, d’actionnaires qui lui fournissent le capital financier, de matières premières sans lesquelles rien n’est possible.
Dans ce contexte d’interdépendance profonde, la réussite n’est possible que par la mobilisation et l’implication de toutes ces parties prenantes. La question de l’équité de la répartition des fruits de la croissance est incontournable.
Un partage équitable des richesses
Il n’est pas de progrès social sans croissance et innovation. Il n’est pas de grande histoire sans partage équitable des richesses.
Prenons la répartition de la valeur ajoutée dans une filière industrielle. Si la sous-traitance tourne à la « maltraitance » comme le dit Jean-Claude Volot (Médiateur national des relations inter-entreprises de 2010 à 2012), le donneur d’ordre peut s’en trouver mieux à court terme mais à long terme c’est toute la filière qui est mise à mal. La compression des marges des sous-traitants les rend non seulement vulnérables aux cycles économiques, mais constitue aussi un frein terrible à l’investissement et à l’innovation, pourtant essentiels à la compétitivité de la filière. A l’inverse, les mécanismes de partage de risques, de co-innovation, de co-développement, de plateformes, renforcent l’interdépendance et la soutenabilité à long terme.
Il en va de même au sein d’une entreprise. Dans un monde où les compétences sont le facteur limitant de la croissance, où la « guerre des talents » fait rage, il n’est plus possible aujourd’hui de considérer qu’une entreprise appartient à ses seuls actionnaires. Le capital humain doit être replacé au même niveau que le capital social. Les investissements dans la formation, investissements d’avenir, devraient être comptabilisés à l’actif d’une entreprise au même titre que les investissements matériels et la R&D (Recherche et Développement). L’association des collaborateurs aux fruits de la croissance, par l’intéressement, la participation, mais aussi l’actionnariat salarié constitue un facteur clé de rétention des talents et de compétitivité à long terme.
Accompagner les prochaines générations
Enfin, bâtir à long terme suppose une responsabilité intergénérationnelle. Anticiper la transmission de son entreprise est une question de responsabilité. A chaque génération de préparer la suivante, de mettre en place la gouvernance qui lui permettra d’anticiper les prochains sujets et de réserver une part suffisante des profits pour les investissements d’avenir.
Ces investissements transgénérationnels peuvent se penser au niveau de l’entreprise ou plus largement dans son écosystème. Beaucoup de family offices ont ainsi, au-delà de l’entreprise familiale et de leur activité d’investissement, une branche « philanthropie » pour soutenir des causes qui leur paraissent importantes pour le monde dans lequel vivront les générations futures.
Chez Geneo Capital Entrepreneur, nous avons décidé de verser une partie significative des gains liés à aux investissements dans les PME et ETI à un fonds de dotation pour permettre aux nouvelles générations, notamment dans les territoires délaissés, de se lancer dans leur propre aventure. Ce recyclage vertueux de la valeur issue de la croissance de nos entreprises doit, nous l’espérons, impulser une vision plus long terme et plus responsable de la finance, et de ce fait plus performante.
Nul ne peut se désintéresser de son environnement, du monde dans lequel il vit. C’est une question de bien-être, de vivre ensemble, d’harmonie. C’est aussi une question de survie.
Source : l’express L’Expansion